Published in L’Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)
Le concept de base de la « résistance » est souvent lié à l’occupation d’un territoire ou d’un pays, et c’est probablement à cause de ce lien que le concept inspire souvent un cliché d’actions violentes, militaires… etc.
Au fil des ans, mais surtout durant les dernières décennies, il y eut plusieurs initiatives aux niveaux régional et international pour modifier ce cliché en mettant en valeur des exemples (ainsi que les bénéfices) d’une résistance pacifique et non violente.
Au Liban, le R. P. Sélim Abou eut le mérite d’élaborer une variation libanaise et fort intéressante du concept de résistance culturelle. Ainsi naquit, des affres de la tutelle Syrienne sur le Liban et des multiples oppressions qu’elle a engendrées, la « résistance culturelle ». Cette variation fut utilisée à bon escient par une multitude de formations estudiantines pour s’opposer à cette même tutelle, à ses conséquences ainsi qu’à ses ramifications libanaises. La cause était valable, les objectifs clairs et la méthodologie adaptée. En 2005, l’équation régionale bascula, la pression populaire s’accentua et les Syriens se retirèrent. Dans ce cas, pourquoi faut-il encore résister ? Pour quoi et pour qui faut-il résister ? Afin répondre à ces questions, il est indispensable de résoudre une autre interrogation : pourquoi les Libanais ont-ils raté l’opportunité qui s’est présentée en 2005 pour bâtir les fondements d’un système politique fédérateur, juste, transparent et viable.
Même si l’armée syrienne s’est retirée, même si l’armée israélienne n’occupe plus que des territoires disputés, et en dépit d’une multitude d’autres facteurs favorables, le Liban reste un pays politiquement sous-développé, d’où la nécessité d’une « résistance culturelle active » afin de modifier le système de valeurs qui a causé et/ou sous-tendu l’émergence et la tolérance des différentes interventions étrangères au Liban, ainsi que la dégradation de la pratique politique. En bref, et eu lieu de s’attaquer aux conséquences de l’absence d’un pouvoir central juste et fort, ou de déplorer les mauvaises pratiques politiques, il faudrait plutôt en analyser les causes et les traiter. Evidemment, ce processus est long, pénible et nécessite un travail laborieux, mais c’est surtout à ce niveau que le concept de la résistance culturelle, tel qu’élaboré par le P. Abou, peut s’avérer utile et efficace. La raison est bien simple, c’est que la racine du problème se trouve intrinsèquement implantée au niveau de la « culture populaire » et ce n’est qu’à travers une « résistance culturelle active » que les choses peuvent changer.
Il s’agit tout d’abord de tenter d’exploiter le contexte actuel en retenant les éléments qui peuvent être favorables à un renouvellement des mœurs politiques. En même temps, lui résister de front, s’opposer à sa démarche d’exploitation et de soumission.
Cette résistance/opposition devrait se fonder sur les aspects suivants :
• Initier et encourager l’acquisition et l’exercice du sens critique, ainsi que la capacité de discernement des discours et des pratiques, y compris le rejet de l’utilisation (manipulatrice) de la « raison exclusive », celle qui exclut l’existence d’une diversité de points de vue.
• Effectuer un travail permanent sur les préjugés, les certitudes hâtives, les idées reçues, le prêt-à-penser et le prêt-à-croire servis par les gourous du cru.
• Entamer une refonte du concept du rapport « à l’autre », « au différent » comme partie intégrante de la reconstruction permanente de soi. Il s’agit entre autres de favoriser les facteurs de rapprochement entre les citoyens, rapprochement qui, non seulement respecte le pluralisme politique, mais l’encourage et le stimule évitant ainsi de tomber dans la culture du mépris, du repli sur soi, ou du rejet de l’autre.
Ce qui est proposé ne relève ni d’un projet idéaliste ni d’une entreprise utopique, ce n’est pas non plus un grand projet politique, coûteux. C’est simplement une prise de conscience individuelle qui est demandée, suivie d’une décision personnelle de rompre un cercle vicieux qui ne cesse de retarder l’édification d’un système politique fédérateur, juste, transparent et viable. Cette prise de conscience peut (voire doit) commencer très exactement le 7 juin 2009, à l’occasion des élections législatives prévues. Faute de devoir attendre quatre autres années, quelques 1461 jours.