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Definir les valeurs fondatrices pour reinventer le Liban

Published in L’Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)

L’acceptabilité au 1er Janvier 2008 – New TV:

Ghazy Aridi affirme que « les libanais sont soit des pions soit des victimes ». Que fait-il de son théorème, lui qui est ministre et un des piliers de la coalition au pouvoir ? Comment sanctionne –t-il les pions et comment protège-t-il les victimes ? Est-il rationnel de croire qu’un camp politique dans sa totalité est la victime de l’autre, dont les membres sont tous des pions ? Quelles seraient les raisons pour lesquelles on voudrait catégoriser les libanais de la sorte ?

L’esprit critique au 2 Janvier 2008 – NBN:

Hassan Nasrallah dit : « Nous sommes entrés au gouvernement en 2005 sur la base d’un accord politique global qui assurait la participation de toutes les parties ». Or cet accord politique (quadripartite) excluait complètement tout une composante du tissu libanais. Que s’est il passé après ? Un des principaux courants politiques chrétiens s’est rallié au Hezb et la majorité de ses cadres défendent aveuglément les options « résistantes » ; Tandis que les autres courants politiques se sont ralliés à l’axe Hariri-Joumblatt et défendent leurs bavures stratégiques et tactiques aussi aveuglément que les premiers.

L’intégrité au 2 Janvier 2008 –ANB:

Walid Joumblatt confirme qu’ « Après le départ de Emile Lahoud, il y a eu une réunion restreinte avec M. Hariri et Siniora au Sérail et nous nous sommes convenus d’amender la Constitution et de choisir Sleimane ». Quelle approche participative au sein d’une coalition qui se prétend être plurielle ! Cette révélation ne confirme-t-elle pas les plaintes du candidat Boutros Harb sur le mécanisme de prise de décision et la communication interne au sein du 14 mars ? Pourtant la plupart des chrétiens du 14 mars ont démenti les allégations de Harb et ont assuré qu’ils étaient partie prenante à la prise de décision. Personne ne veut réagir après les révélations de M. Joumblatt ?

La souveraineté au 2 Janvier – Damas :

Walid Moallem: « La Syrie et la France ont conclu (le 29 décembre) un accord sur un règlement global au Liban, y compris l’élection d’un président de consensus, la formation d’un gouvernement de l’unité nationale dans lequel chaque faction serait représentée selon son poids politique, et l’élaboration d’une loi électorale juste ». Pourtant le 13 décembre, le Général Aoun affirmait avoir été mandaté par l’opposition pour négocier avec la majorité. Comment la procuration s’est-elle transférée à Damas ? Quel rôle jouaient la France et la Syrie ? Quelle est et quelle sera la marge de manœuvre de chacune des parties libanaises dans ce cas ?

La cohérence politique au 4 Janvier 2008 – Arabya :

Marwan Hamadé confirme que « Nous sommes prêts pour un gouvernement d’union nationale mais nous n’acceptons pas le tiers de blocage pour que les ministres de l’opposition ne puissent pas intervenir dans les désignations des fonctionnaires, dans la privatisation, dans les modalités de fonctionnement du tribunal, dans l’application des projets dérivés de Paris 3…etc. » Quel serait donc le rôle d’un ministre et de quelle union nationale parlerait M. Hamadé ? Le recours à des chandeliers pourrait être plus efficace dans un contexte pareil. Il est essentiel pour un ministre d’être à la hauteur de ses fonctions et d’assumer pleinement ses responsabilités. Dans le cas contraire, on se retrouve face à une autocratie soigneusement décorée pour le plaisir visuel.

Le bon sens au 4 Janvier 2008 – Al-Manar:

Wiam Wahhab annonce « Œil pour œil et dent pour dent, ce sera notre devise dorénavant avec M. Joumblatt ». Quelle bonne nouvelle justement ? M. Wahhab ne ménage aucun effort pour démontrer ses talents « d’Homme d’Etat ». Comment veut-il « reconstituer un pouvoir national » avec de telles devises ? Parle –t-il en l’occurrence d’un zoo à Jahilya ou de l’Etat libanais ? Qu’en pensent ses compagnons de « réforme et de changement » de cette devise ? N’est-ce pas une incitation au crime ? Ou est le procureur général ?

La responsabilité au 4 Janvier 2008 – New TV:

Jihad Azour clame qu’il « n’est pas responsable des dépenses du CDR » en réponse à une question portant sur un décret signé par M. Azour lui-même, allouant une somme de 800.000 dollars pour l’entretien du stade municipal de Saida ; dont le CDR ne s’occupe plus depuis 30 mois et qui fut pris en charge depuis par la municipalité de la Ville, qui, elle, ne touche aucun sou pour en assurer l’entretien. Huit cents mille dollars évaporés à cause de la signature d’un ministre qui affirme en public qu’il n’est pas responsable du contenu d’un décret qu’il a lui-même signé. No comment !

Rien que durant les 4 premiers jours de 2008, voici 7 messages « subliminaux », dont l’année 2007 fut pleine. Jamais on n’aurait vu au Liban pareille décadence politique. Indépendamment de leur contexte chronologique, ces 7 messages (dont les auteurs ne sont nullement visé par cet article en tant que personnes) parvenus aux libanais sont assez significatifs et démontrent que la totalité des courants politiques libanais (et de leurs affiliés) se sont résignés, volontairement ou pas, à muter le travail pour la chose publique en une activité machiavélique sans foi ni loi.

A la lumière de ce qui précède, force est de se demander si on peut réinventer un Liban en l’absence d’une définition de valeurs fondatrices. Comment le Liban pourrait sembler s’il est « rabâché » à la va vite sans une exploration en profondeur des valeurs communes qui doivent constituer la base d’un « Nouveau Liban ». Nombreux sont les libanais qui aspirent à un Liban bien différent de celui d’aujourd’hui. Nous entendons des appels incessants à « revoir le pacte », à « trouver un nouveau compromis politique », à «refonder les bases politiques »…etc. Soit ! Mais aucune reconstruction politique ne produira l’effet escompté sans un consensus sur une échelle de valeurs qui devrait soutenir le tant attendu nouvel édifice politique.

Les valeurs précitées ne sont surement pas exhaustives. Ce ne sont que des exemples péchés à travers quelques déclarations déchainées. Dans ce qui suit leurs significations dans le contexte politique libanais :

Le Liban est un pays pluraliste et assez hétérogène. C’est évidemment une richesse mais afin de la maintenir, il faudrait que les libanais passent du stade de la « tolérance forcée » de l’autre au stade de « l’acceptabilité éclairée », qui suppose une résolution autonome de chaque composante du tissu libanais d’accepter l’autre en sa totalité et son unicité, à prendre en compte ses ambitions, ses attentes, ses peurs…etc. Donc il faut éviter les catégorisations totalitaires des libanais (pions ou victimes, nobles ou collaborateurs, intègres ou corrompus, souverainistes ou pro-syriens…etc.).

En optant pour une approche qui consiste à alimenter les craintes ou même à en créer quelques unes (assassinats, implantation, crises existentielles, besoin de survie…etc.), en pratiquant une politique de l’émotionnel (populiste, démagogique…), la plupart des leaders politiques ont réussi à paralyser les esprits de l’opinion. Le danger n’est pas tant d’embarquer l’opinion à l’occasion d’événements-clés, mais surtout de confisquer le potentiel de questionnement. Sans doute, ces mêmes politiciens ne réalisent-ils pas que sans esprit critique, toute formation politique est vouée à un déclin spectaculaire, une fois que les motifs de l’accaparation des esprits sont évaporés.

Probablement, l’intégrité politique, synonyme d’une conduite irréprochable, n’existe pas. Néanmoins, il faut espérer pour une certaine « intégrité en politique », afin de maintenir un minimum de respect. Est-ce chimérique de demander que la vérité soit uniformisée et généralisée pour tous et qu’elle ne subisse aucune altercation ? Même si Bernard Tapie, auteur de la fameuse « Il faut dire aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre sans jamais leur mentir » ne constitue pas le meilleur exemple d’intégrité en politique, il n’en reste pas moins que sa citation est d’actualité.

Une et indivisible, la « souveraineté politique », ou l’exclusivité de la compétence de décision ne peut pas être relative. La période de l’après 2005 a montré que la grande majorité des échéances politiques libanaises ne se seraient jamais accomplies sans ingérences ostentatoires. Et tout cela s’est passé avec le consentement de cette même classe politique qui ne cesse de clamer son adhésion au principe de souveraineté.

S’abstenir d’agir en oppositions à nos dires, c’est comme ca que la valeur de la « cohérence politique » sera confirmée dans les mœurs politiques libanaises. A défaut de le faire, l’opinion va être toujours leurrée.

Le discours et les programmes politiques doivent se baser sur le « bon sens ». En général, tout discours a une implication politique. Au Liban, certaines implications peuvent causer des dégâts et avoir des conséquences désastreuses. Opter pour des choix du bord de gouffre, clamer que les batailles, guerres et actions politiques ne se mesurent pas à leurs pertes (humaines ou matérielles) mais à leurs résultats (mêmes contestés), c’est sortir des sentiers du bon sens pour frôler les bords de la folie politique.

Ca fait longtemps que la notion de « responsabilité » est faussée au Liban. On n’a presque jamais vu un politicien proprement et justement sanctionné. Les justificatifs sont toujours trouvés, soit par la personne même, soit par les leaders qui la soutiennent. L’objectif ultime est toujours de se dérober de sa responsabilité et pour le réaliser, tous les chemins sont permis.

Ces valeurs et tant d’autres que les citoyens libanais sont appelés à définir, sont complémentaires et interdépendantes. Et le plus important c’est que nous n’avons que jusqu’au printemps 2009, date des élections législatives, pour les trouver et les mettre en application.

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