Published in L’Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)
Open letter to the Lebanese authorities on the occasion of the 53rd anniversary of the Universal Declaration of Human Rights
Nul n’ignore que la société libanaise passe par une phase de décadence. Et l’indicateur le plus évident qui confirme ce constat est sans doute l’état de la société civile. Mais quel lien existe –t-il entre cet état de fait et la situation des droits de l’Homme au Liban ?
Je commencerais par la relation entre les atteintes à la dignité de la personne humaine et la réponse de l’ « Etre Social » à ces « provocations ».
Cette dignité, inhérente à tous les êtres humains, et dont découlent tous les droits évoqués dans la DUDH, constitue le rempart « comportemental » de chacun de nous. Il est connu qu’une des causes majeures des conflits personnels est ce qu’appellent les parties au conflit « une atteinte à leur dignité ». Ce phénomène est-il aussi valable au niveau collectif ?
L’expérience libanaise nous permet de dire qu’un certain nombre de vices actuels observés au niveau de la société libanaise sont des réponses aux violations répétées des droits de l’Homme, et donc de la dignité humaine.
Parfois, les autorités, par présidents, ministres ou députés interposés, se posent la question : « Que voulez-vous que nous fassions face à tel ou tel vice, attitude, crime…etc.. ? » Par le biais de cette question, on justifie les pires abus et violations.
Dans la pratique, que pourraient susciter, au niveau sociétal, des situations chroniques d’arrestations arbitraires, des interrogatoires « musclés », des détentions injustifiées et prolongées ?
Comment réagit-on à des procès « expéditifs » devant un tribunal militaire, à des inégalités aberrantes devant la loi pour des considérations d’appartenance politique ou confessionnelle, à des jugements incompréhensibles portant des empreintes politiques indélébiles ou à l’absence de transparence et de responsabilité publique ?
Quelles sont les conséquences de l’immixtion dans les vies privées, d’une censure politique stupide, d’une censure morale inadaptée, d’un modèle politique répressif et à pensée unique, ou d’élections télécommandées ?
Que devrait-on attendre d’un secteur éducatif rétrograde, souffrant et fondé sur la répression et la discipline excessive et inutile, de secteurs médical et hospitalier corrompus et difficilement accessibles, d’une politique de l’emploi carrément inexistante, ou d’une protection sociale symbolique ? Ou quelle est la réponse des jeunes face à l’absence d’une politique de la jeunesse ?
Je ne désire nullement justifier le taux alarmant d’attitudes irresponsables, racistes, marginales et corrompues qu’on pourra trouver au sein de la société libanaise. Ni minimiser le rôle crucial que doit jouer la société civile et qui n’est pas assumé complètement (ou convenablement) pour des raisons diverses, parfois ( seulement parfois) indépendantes de notre volonté.
Mais face à cet état de fait, les responsables ne doivent pas s’étonner devant l’extrémisme, le radicalisme, le désintérêt croissant pour la chose publique, l’émigration, l’augmentation du taux de criminalité, la corruption, l’autocensure, l’absence de confiance dans le système judiciaire, le mépris de l’administration publique, la prolifération des techniques de « contournement » des lois et procédures, le changement de l’échelle des valeurs morales, et tant d’autres « réactions collectives » dont se plaignent tous les Libanais, même ceux qui y sont impliqués.
Mesdames et Messieurs les présidents, ministres, députés et autres responsables, sachez que vous ne récoltez que ce que vous semez. A vous de jouer.