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L’humble vertu de la constance

Published in L’Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)

Depuis plusieurs jours, l’on entend parler de l’affaire Mahmoud Rafeh. Au vu des accusations portées contre lui (espionnage, assassinats…), il n’est pas surprenant que cette affaire soit à la une des médias. Pour résumer, il y a eu une multitude de critiques (véhiculées essentiellement par la chaîne de télévision al-Manar) contre les associations des droits de l’homme qui ont dénoncé le laxisme des autorités gouvernementales et judiciaires libanaises à la suite des affirmations faites par l’intéressé à propos des traitements cruels et humiliants durant sa détention.

Au vu de ces critiques qui ont touché aussi bien les ONG internationales que libanaises, il semble opportun de clarifier ce qui suit :
  • Tout d’abord, les ONG des droits de l’homme ne s’expriment pas sur le degré de culpabilité ou d’innocence des victimes présumée de violations de droits de l’homme. Ces ONG doivent défendre aussi bien une personne innocente qu’un criminel notoire indépendamment de son implication (ou pas) dans le crime en question. Donc, que Mahmoud Rafeh soit un espion israélien, un assassin ou pas, ce n’est nullement le rôle des ONG des droits de l’homme de se prononcer sur cet aspect-là. Et les ONG critiquées ne l’ont pas fait d’ailleurs. Elles ont juste soulevé les allégations de torture que M. Rafeh a portées contre ses geôliers et dénoncé l’absence d’une enquête sérieuse et impartiale sur ces allégations.
  • Même s’il s’avère que M. Rafeh est un espion et un assassin, ce statut ne justifie pas les traitements cruels et inhumains (torture dans le langage courant) auxquels il semble avoir été soumis durant sa détention. Les engagements du Liban en matière des droits de l’homme sont clairs et contraignants pour le gouvernement libanais. Tous les criminels, y inclus les espions présumés, doivent jouir des mêmes garanties juridiques en vue de protéger leurs droits dont celui de n’être pas soumis à des traitements cruels et inhumains. Les responsables administratifs ainsi que les membres du corps judiciaire qui ne prennent pas les mesures nécessaires face à ce genre d’allégations seront eux-mêmes tenus pour responsables.
  • Il y va de la crédibilité de toutes les personnes et les institutions qui ont lancé et/ou adopté ces critiques de préserver un minimum de constance. Elles ne peuvent pas accepter les rapports des ONG des droits de l’homme quand ces rapports défendent leurs « hommes » ou leurs « causes » et les « lapider » quand ils ne vont pas dans le « sens souhaité ». Une ONG ne peut pas être « impartiale » dans un cas et « partiale » dans un autre cas. C’est soit l’un soit l’autre cas. Il faut cesser d’insulter l’intelligence des citoyens en accusant à tort et à travers dès que les ONG des droits de l’homme disent «ce qui ne nous plaît pas ».
  • En date du 28 août 2009, la chaîne al-Manar diffusait un talk-show avec le député CPL, Me Ziad Assouad. Ce dernier a minimisé la portée des allégations de torture, en considérant que la dimension de l’affaire est beaucoup plus importante que les allégations de torture. Me Assouad n’a même pas jugé opportun de défendre les ONG des droits de l’homme, les mêmes qui ont porté très haut l’affaire du 7 août 2001 quand les forces de l’ordre ont (littéralement) brisé le crâne du même Ziad Assouad (une fracture dont il doit souffrir jusqu’à maintenant d’ailleurs). Ces mêmes ONG, qui furent appréciées par Me Assouad et ses collègues au sein du CPL, ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel des nouvelles alliances politiques. On peut changer d’avis politique, contracter de nouvelles alliances, etc, mais on n’a pas le droit de s’imposer des trous de mémoire et de les imposer aux gens. Rien qu’au nom de l’humble vertu de la constance.

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